mardi 3 janvier 2012

Et si Miyazaki nous parlait de la bombe atomique?

Si Hayao Miyazaki est trop jeune pour avoir des souvenirs des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki en 1945, il reste toutefois très marqué par ces événements et les images qui ont pu circuler après la censure militaire. Il en sème des fragments à travers ses films d'animations. A sa manière, poétique, fantastique et non-manichéenne, Miyazaki rend hommage et justice aux victimes civiles des attaques du 6 et 9 août 1945 orchestrées par l'US Army. Outre la visée écologique et politique du film Nausicaä de la Vallée du Vent (1), on peut y sentir le spectre de la bombe atomique. Sur les images ci-dessus, cela se perçoit clairement. Les dieux-guerriers sont des personnifications des bombes. Leur design n'est pas sans rappeler les robots jouets destinés aux enfants, ce qui est possiblement en rapport avec le nom de la première bombe H, Little Boy lancée sur Hiroshima.
Miyazaki termine son film sur un message d'espoir : Nausicaä a découvert que siècle après siècle, la Forêt recycle les poisons répandus par les pollutions et les guerres du millénaire précédent, elle nettoie et purifie l'air. Le monde pourrait redevenir habitable si la paix s'instaurait entre les humains, et entre les humains, les insectes et le monde "végétal".
Alors qu'en 1945 on annonçait que les territoires touchés par les radiations ne seraient ni viables ni cultivables avant des siècles...
Dans Laputa, Le château dans le ciel (2), les explosions et bombardements sont récurrents et marquent à nouveau l'obsession du réalisateur à montrer les effets néfastes des armes lourdes, tant pour les victimes que pour les attaquants. Quand la technologie finit par se retourner contre son créateur.
Il est ici fait étalage de la puissance de frappe nettement supérieure des vestiges du peuple de Laputa (qui a disparu depuis longtemps) à celle des simples terriens et de leurs mitraillettes qui font ici office de lance-pierres.
Avant l'arrivée des héros et de leurs adversaires sur la cité volante, régnait une harmonie symbiotique entre nature et technologie. Que contrebalanceront l'orgueil et la convoitise d'un seul.

A la fin de Princesse Mononoké, Dame Eboshi (la propriétaire des mines qui sont la cause de la déforestation et de la guerre qui oppose les humains aux dieux-animaux), fine tireuse à l'arquebuse, parvient à décapiter le Dieu de la Forêt durant l'une de ses métamorphoses. Le corps sans tête cherche alors à récupérer son chef. Dans ce passage, on peut y voir une illustration supplémentaire de la bombe atomique : par la forme, le corps étêté n'est pas sans rappeler le champignon atomique, mais aussi par les proéminences corporelles de cette masse bouillonnante qui empoisonnent tout ce qui entre en son contact. La Forêt privée de son dieu se meurt, comme sous l'effet des radiations, des flashes incendiaires et la pluie noire qui suivirent les bombardements.
En sus de quoi, on trouve la représentation des victimes innocentes, souillées, malades, blessées qui ont été rejetées de la société : les hibakushas, qu'à lui seul Ashitaka figure. A cause du mal qui le ronge et de la malédiction qu'il subit, il doit s'exiler et vivre entre deux mondes qui se déchirent.
Quant à la Nature, malgré pollutions et poisons, elle évolue incessamment et finit par reprendre douloureusement ses droits.
Et ce n'est pas par hasard si l'arbre dans lequel vit Totoro, personnage devenu l'emblème du réalisateur, est un camphrier... C'est le premier arbre à avoir repoussé sur les sols stériles de Hiroshima et de Nagasaki.



(1)Nausicaä de la Vallée du Vent, Hayao Miyazaki, 1984, Studio Ghibli.
Il s'agit d'une adaptation des premiers tomes du manga que Hayao Miyazaki était en train de dessiner alors.
Synopsis : c'est l'histoire de la Terre mille ans après les Sept Jours de Feu (pendant lesquels les armes ultimes créées par les humains de cette époque, les "Dieux guerriers" ont tout détruit de leurs flammes). Dans des paysages post-apocalyptiques (déserts infinis, Forêt de la Décomposition où il n'est possible qu'aux insectes mutants de respirer, lacs acides..., la vie pour les quelques populations survivantes est très précaire et régie par la loi de la jungle. Entre deux pays, Tolmèque et Péjite, est située la petite vallée protégée par le vent, utopie laissée à l'écart. Nausicaä, l'héroïne, est la princesse de ce petit royaume. Aimant la nature et, contre toute attente, les insectes, elle cherche un moyen de réconcilier les hommes et la Nature. Pour ce faire, elle cultive, dans un jardin secret, des "plantes" et des "graines"* qui proviennent de la Forêt toxique, sans que celles-ci ne soient contaminées.
Mais le crash d'un vaisseau de l'armée tolmèque dans la Vallée va plonger le petit pays pacifique en plein coeur du conflit. Ce vaisseau transportait un dieu-guerrier exhumé dans la ville de Péjite qui veut alors le récupérer. Afin d'anéantir l'armée tolmèque, le peuple de Péjite projette de lancer une horde de Ômus (gigantesques insectes mutants) déchaînés en les attirant avec un petit Ômu capturé et blessé. Nausicaä parviendra après de nombreux contretemps, à stopper l'avancée dévastatrice des insectes qui la reconnaîtront comme une des leurs.
* il s'agit plus spécifiquement de champignons et de spores que d'un règne végétal au sens strict
(2) Laputa, Le château dans le ciel, Hayao Miyazaki, 1989, Studio Ghibli.
Synopsis : Shiita, jeune fille évadée des geôles volantes de l'Armée, et qui est, à son insu, l'héritière du trône de Laputa. Laputa est un royaume légendaire, une Atlantide flottante dans les nuages, dont la fillette détient la clé, une pierre bleue magique que convoitent l'Armée, mais aussi les pirates. Recueillie et aidée par le jeune Pazu, Shiita et lui tentent d'échapper à tous ces adversaires mais elle est capturée par le terrible Muska, érudit à la tête de la garnison, envoyé en mission par les hautes sphères de l'Armée. Les enfants pactisent avec les pirates pour récupérer la Pierre magique tombée entre les mains de Muska. Entre-temps, un robot tombé du ciel (du château) a été remis en fonction et est devenu incontrôlable. Il est la première manifestation de la puissance destructrice de ce qui fut le royaume de Laputa.
Arrivés sur l'île flottante après avoir essuyé une lourde tempête de vents, les enfants sont séparés des Pirates, et Muska ne tarde pas à kidnapper Shiita, à qui il révèle leur histoire et leurs racines communes. Tous deux sont des descendants du peuple de Laputa ayant fui cette utopie devenue cauchemar. Il lance ensuite sur l'Armée, dans sa soif de pouvoir, une floppée de robots guerriers, indestructibles et ravageurs.
(3) Princesse Mononoké,Hayao Miyazaki, 1997, Studio Ghibli.
Synopsis : Dans un Japon médiéval déchiré par les guerres de clans, Ashitaka, jeune prince de sa tribu, est contraint de quitter son pays (épargné par ces conflits), pour échapper à la malédiction lancée par un dieu-sanglier agonisant. Le jeune homme, au contact de la bête blessée par un boulet d'arquebuse, fut brûlé et sa plaie, qualifiée de mal incurable par la chamane sans le pardon et les soins du Dieu de la Forêt, le pousse à partir dans des contrées lointaines. C'est sur ces terres qu'il rencontre la princesse sauvage, élevée par les dieux-loups, Mononoké (littéralement Esprits-vengeurs) ainsi que Dame Eboshi, patronne de la mine qui cause la déforestation et la chasse des dieux-animaux. Sous décret de l'Empereur, la tête du Dieu de la Forêt, immense cerf hybride, doit être ramenée au Palais impérial à la fois comme trophée de chasse et pour servir d'élixir d'immortalité. Les dieux de la Forêt n'entendent pas livrer leur maître sans combattre jusqu'à la mort. La Princesse se range aux côtés des membres de sa famille adoptive, tandis qu'Ashitaka lutte pour trouver un compromis et éviter la mort des combattants, dans les deux camps.

2 commentaires :