Cet article a pour but d'introduire les thèses de Roger Caillois exposées dans son livre, Les jeux et les hommes, paru en 1958 aux éditions Gallimard. Interrogeant les rapports de l'homme aux jeux, explorant les différentes formes que ces derniers peuvent emprunter, leurs significations sociales, Roger Caillois, dans ce livre, pose un jalon fondamental dans la compréhension de l'espèce humaine.
Ce court article, qui sera suivi par d'autres, s'intéressera au chapitre 3, Iintitulé Vocation sociale des jeux. Le choix du non respect de la linéarité de l’œuvre originale s'explique par le fait que ces chapitres nous semblent mettre en exergue, d'une manière dont l'acuité le dispute à la clarté, les problématiques profondes du jeu.
Sir Lawrence Alma-Tadema, Egyptian Chess Players, 1879 |
Après avoir défini le terme et le concept du jeu, et en avoir établi une classification - comprenant quatre catégories, à savoir l'agôn (la compétition), l'aléa (la chance), la mimicry (le simulacre) et l'ilinx (le vertige), nous y reviendrons dans un article suivant -, Roger Caillois s'attache à démontrer le caractère social du jeu.
Il note ainsi d'emblée que le jeu n'est pas seulement une distraction individuelle, et qu'il l'est même beaucoup plus rarement qu'on ne le pense. Prenant l'exemple des jeux d'adresse (cerf-volant, toupie, bilboquet, cerceau, etc.), qui peuvent se jouer seul, il fait remarquer que ces pratiques donnent lieu à de nombreux rassemblements, rassemblements qui, la plupart du temps, de la concurrence, si ce n'est de la compétition officielle. Mesurer son savoir-faire à celui des autres, briller dans sa discipline, admirer les autres joueurs apparait donc comme une condition quasiment obligatoire.
De jeu solitaire, il n'y a pour ainsi dire pas. "Les jeux ne trouvent généralement leur plénitude qu'au moment où ils suscitent une résonance complice". Et même les jeux de hasard semblent avoir plus d'attrait dans la foule. Toutes les différentes catégories de jeu impliquent, d'une manière ou d'une autre, un caractère collectif. Cela est vrai bien évidemment pour l'agôn, mais également pour les autres catégories qui, a priori, ne supposent pas la présence obligatoire d'autres semblables.
Corollaire de cet état de fait : l'émergence de règles qui encadrent strictement ces pratiques. Que ce soit dans l'intimité d'un salon ou à un niveau plus élevé, le jeu réclame des règles, et même, lorsque l'on atteint des proportions plus grandes, une hiérarchie, ainsi qu'un personnel spécialisé. Face à la multiplication des acteurs, mais aussi des enjeux, notamment financiers, la nécessité d'instaurer des règles de plus en plus strictes, mais aussi des personnes non intéressées pour surveiller le respect de ces règles (les arbitres par exemple) se fait ressentir.
Ainsi, chacune des quatre catégories fondamentales du jeu présente des aspects socialisés qui les ancrent dans la vie collective.
Pour l'agôn, ce sera notamment le sport ; pour l'aléa, il s'agit des casinos, des jeux de courses, de la loterie ; pour la mimicry, ce seront les arts du spectacle, de l'opéra au carnaval en passant par le théâtre et le bal masqué ; et, pour l'ilinx, nous parlerons des fêtes foraines et de ce que Roger Caillois appelle "les occasions annuelles cycliques, de frairie et de liesse populaire".
Roger Caillois assigne un certain nombre de caractéristiques au jeu. Selon lui, le jeu est une activité
1° libre ; 2° séparée ; 3° incertaine ; 4° improductive ; 5° réglée ; et, 6°, fictive.
En caractérisant le jeu comme étant une activité séparée, Caillois entend opposer, dans un passage de son premier chapitre, le monde du jeu à celui de la réalité, soulignant que "le jeu est essentiellement une activité à part". Il y a ainsi un espace du jeu, dont Caillois donne des exemples : la marelle, l'échiquier, le damier, le stade ; de plus, rien de ce qui se passe à l'extérieur de la frontière n'entre en ligne de compte, idéalement : "les lois confuses et embrouillées de la vie quotidienne sont remplacées, dans cet espace défini et pour un temps donné, par des règles précises, irrécusables, qu'il faut accepter comme telles et qui président au déroulement correct de la partie".
1° libre ; 2° séparée ; 3° incertaine ; 4° improductive ; 5° réglée ; et, 6°, fictive.
En caractérisant le jeu comme étant une activité séparée, Caillois entend opposer, dans un passage de son premier chapitre, le monde du jeu à celui de la réalité, soulignant que "le jeu est essentiellement une activité à part". Il y a ainsi un espace du jeu, dont Caillois donne des exemples : la marelle, l'échiquier, le damier, le stade ; de plus, rien de ce qui se passe à l'extérieur de la frontière n'entre en ligne de compte, idéalement : "les lois confuses et embrouillées de la vie quotidienne sont remplacées, dans cet espace défini et pour un temps donné, par des règles précises, irrécusables, qu'il faut accepter comme telles et qui président au déroulement correct de la partie".
La question se pose alors de savoir ce qu'il se passe lorsque l'univers du jeu n'est plus étanche ; quand il y a contamination avec le monde réel ; lorsque "ce qui était plaisir devient idée fixe ; ce qui "était évasion devient obligation ; ce qui était divertissement devient passion, obsession et source d'angoisse" ; nous pourrions rajouter : quand le jeu devient une profession, et que sa pratique devient un moyen de subsistance. Cette question est traitée dans le chapitre 4 du livre de Roger Caillois, intitulé Corruption des jeux, qui fera l'objet du prochain article.
On attend avec impatience le prochain article !
RépondreSupprimerIdem
SupprimerBen ce soir normalement quoi,hein.
RépondreSupprimerMais c'est pas moi le webmaster.
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