Pour
le pianiste américain Keith Jarrett, la musique est avant tout le
résultat d'un processus, au sens où elle s'élabore par un
enchaînement de phénomènes. C'est ce qu'il confiait dans le documentaire intitulé Keith
Jarrett : The Art of Improvisation.1
Annexe n° 1
Si l'on excepte son répertoire classique, son œuvre a toujours
exploré le domaine de la création spontanée : il semble donc
pertinent de retenir l'exemple de ce pianiste pour nourrir une
réflexion sur l'improvisation en musique. Selon Keih Jarrett,
l'improvisation ne consiste pas en une connexion d'éléments écrits
mais plutôt en une sorte d'exploration ex-nihilo :
Annexe n° 2
J'ai commencé à réaliser
que quand les gens parlent d'improvisation, ils pensent au fait de
connecter une chose écrite à une autre chose écrite. Moi, quand je
parle d'improvisation, j'entends partir de zéro pour aller à zéro.
Il
reste pourtant difficile de nier que le discours musical d'un
improvisateur se construise par des connexions entre
différents éléments, certes non-écrits, constituant son identité
musicale. De fait, une grande majorité de musiciens ne sont souvent
que la somme de leurs influences. Cependant, par un processus
d'assimilation, certains d'entre eux réussissent à se forger une
identité : ils déploient alors un univers artistique dans lequel se
fondent des bribes d'influences, un peu à la manière d'un vin issu
de l'amalgame entre différents cépages. Il est ainsi possible
d'identifier un certain nombre de lignes de force qui structurent le
langage musical de Keith Jarrett. Pendant une grande partie de sa
vie, ce pianiste a absorbé une multitude d'influences, toujours
restituées sous la forme d'un langage très original. À l'instar de
Ravel, Picasso ou Nijinski, des artistes ayant assimilé beaucoup
d'influences pour ensuite développer leur propre style, Keith
Jarrett est reconnaissable au bout de quelques secondes d'écoute. Il
s'agit aussi d'un artiste chez qui l'émergence de ce style est assez
précoce : à l'âge de huit ans, il donne son premier récital
dans sa ville natale
d'Allentown, en Pennsylvanie, associant déjà à un
répertoire classique (Grieg, Bach, Mozart) ses propres
compositions.
Annexe n° 3
« À
l'époque, j'improvisais déjà »,
déclare-t-il. À partir des années 1960, sa carrière s'apparente à
une véritable mosaïque d'expériences : il navigue à souhait entre
classique et jazz, passant des enregistrements sur orgue, avec le
célèbre jazzman Miles Davis, à l'interprétation des
Variations Goldberg
sur clavecin, avec à
chaque fois une rigueur exemplaire.2 La fascination exercée par son jeu tient beaucoup à la
richesse et à la diversité de sa culture et de sa pratique
musicales. Nous tenterons ici de mener une étude stylistique sur la
musique du pianiste américain Keith Jarrett. Il s'agira précisément
de mieux saisir le processus d'assimilation de différentes
influences musicales, qui permettent à Keith Jarrett de former son
propre langage, son identité. Seront ainsi relevées, dans une
première partie, les influences de la musique classique sur le jeu
du pianiste : nous aborderons en particulier les notions de
polyphonie et d'harmonie. Notre étude traitera ensuite d'un autre
aspect très prégnant dans sa musique : le procédé de l'ostinato.
De nombreux compositeurs et improvisateurs ont exploré cette
technique, par des approches variées dont Keith Jarrett s'est
inspiré. Nous évoquerons également l'approche pop, très
caractéristique de son esthétique dans les années 1970, avant de
conclure par un rapprochement entre le jeu pianistique de Keith
Jarrett et celui de Bill Evans, spécialement au niveau du voicing.
Ce travail, par une brève analyse stylistique du langage musical de
Keith Jarrett, devrait permettre l'identification d'un certain nombre
de lignes de force, qui font du pianiste ce qu'il est aujourd'hui et
définissent l'originalité de son style.
1. DIBB,
Mark, Keith Jarrett : The Art of Improvisation, Euroarts
Music Inter : 2005, 84 min.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire