Un labyrinthe de pierres, à Tibble, Badelunda parish, Suède
Dessin de John Kraft, 1980
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Au commencement étaient, sur l'île de Crète, un roi trop orgueilleux, une reine d'origine divine rendue folle d'amour pour un taureau, un enfant monstrueux fruit de l'union interdite, un architecte ingénieux et son fils qui vola trop haut dans le ciel.
Ensuite, arrive Freja ou Freyja, déesse de l'Amour et souveraine des morts dans le Panthéon germano-scandinave. Fille de Njoerd (dieu du vent, du feu et de l'océan), souvent confondue avec Frigg, l'épouse d'Odin, elle est mariée à Ód, le dieu voyageur, pour qui elle pleure des larmes d'or rouge. Elle possède un collier magique, d'or et d'ambre, le collier des Brísingar, qui fait tomber quiconque sous son charme, et un char tiré par deux chats géants. Elle s'est confondue à la Déesse-Mère.
Puis viennent les pèlerins, ceux qui ne peuvent partir, au Moyen-Âge, en croisade pour sauver la Jérusalem terrestre, et ceux qui aujourd'hui ont besoin de faire un retour sur soi, une méditation profonde. Ils s'agenouillent, avancent ainsi, mettant autant de temps que s'ils parcouraient une lieue, ils prient et se recueillent jusqu'au Saut de la Joie.
Ou encore l'artiste française Marie-Ange Guilleminot qui fait du miel, des tracés à la craie et de mystiques broderies, qu'elle présente dans son livre auto-produit Projet.
Enfin un coussin, rond, rouge, de 55cm de diamètre, produit industriellement.
Tout cela ne serait-il pas bien enchevêtré, inextricable même ?
C'est qu'ici se joue le pouvoir du labyrinthe. Celui qui depuis toujours amène l'homme à une réflexion sur lui-même, à un questionnement sur sa condition, mais aussi à la joie et la fête.
Minos, roi de Crète, offensa un jour les Dieux de l'Olympe, qui pour le punir, rendirent sa femme Pasiphaé follement amoureuse d'un taureau blanc. Irrésistiblement attirée par l'animal, elle somma Dédale, l'architecte de la cour, de construire une machine pour qu'elle puisse s'unir au taureau. Neuf mois plus tard, naquit un enfant mi-homme mi-taureau, véritable monstre qu'il fallut cacher aux yeux du peuple. Minos, bafoué, fit bâtir par Dédale le premier labyrinthe de la légende. Afin que se perdent avec lui et son fils Icare, les plans du labyrinthe, Dédale y est enfermé et y doit périr. Poursuivis par le monstre, Dédale et Icare parviennent à s'échapper en collant des plumes à la cire sur leur dos. Prévenu pourtant du danger, Icare, avide de rejoindre les dieux grâce à son pouvoir, s'approche trop du soleil qui brûle la cire. La chute est inévitable et fatale. Chaque homme doit savoir rester à sa place. Et si le héros Thésée a pu en réchapper indemne, après avoir tué le monstre, ce n'est pas uniquement dû au fil d'Ariane, c'est que les divinités veillent et le protègent. Il est un élu.
Dans l'Antiquité nordique, pour rendre hommage à la Déesse-Mère (ou tout du moins, à la déesse bienveillante de l'Amour, de la fertilité et reine-hôtesse des guerriers morts en défendant leur patrie), étaient organisés, au printemps, des fêtes et des jeux. Ils avaient lieu près ou sur les labyrinthes de pierres ou de terre construits près des villages. Une jeune fille figurait la déesse et se plaçait au centre du labyrinthe, le netherworld, attendant que de jeunes hommes jouant le rôle des dieux viennent la délivrer de cette forteresse imprenable. Le rite se terminait sur un mariage printanier. Pour marquer le retour des belles saisons, à la vie, à la fertilité des champs à venir.
De tout temps, le labyrinthe symbolise la vie et les embûches, les piétinements, les retours ou les avancées prodigieuses qui attendent chacun.
Dans la cathédrale Notre Dame de Chartres, le labyrinthe de 12,9m de diamètre est situé à la troisième des sept travées de la nef. 7, somme des nombres
4 et 3 (comme la matière - Eau, Terre, Air, Feu ; et l'esprit - Dieu le père, le Fils et le Saint-Esprit), est un nombre hautement symbolique, l'intersection de la Terre et du Ciel.
Il symbolisait au Moyen-Âge le pèlerinage vers Jérusalem, la Cité Terrestre retenue par les païens, mais aussi la Cité Céleste, l'état originel vers lequel tendent les fidèles chrétiens.
Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres |
Ne pouvant pas tous partir en croisade, les pèlerins et les fidèles s'agenouillaient et parcouraient la totalité du chemin en récitant les psaumes de David. Aujourd'hui encore, de nombreuses personnes viennent s'y recueillir et entrer en méditation.
Du plan de ce labyrinthe, Marie-Ange Guilleminot en a tiré deux œuvres majeures : Le Labyrinthe, un coussin brodé large d'une trentaine de centimètres et une performance, Marche. Ayant reporté à la craie le labyrinthe de la cathédrale, lors de sa résidence à l'Atelier Calder à Saché, l'artiste invitait les spectateurs à une marche méditative et attentive...
Marie-Ange Guilleminot, Projet |
Et pour remonter le fil jusqu'aux doigts d'Ariane qui se promenaient sur le feutre... il faut se concentrer sur le dessin du coussin Freja Labyrint de la firme Ikea. La réflexion démarre là. Le reste, ce n'est que jeux de l'oie, embûches et rencontres fortuites... ou non, et questions sans réponse. Un mystère qui perdure.
FREJA LABYRINT - Coussin - IKEA |
Vive le 100ème article !
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