« Les païens ont le tort, et les chrétiens le
droit » (1015)
Si nous avons choisi cette phrase pour ouvrir notre propos, c’est qu’elle nous semble résumer à elle seule la volonté du, ou des auteurs de l’œuvre : à savoir, constituer une entreprise de propagande visant à justifier la croisade, et, peut-être, susciter des vocations. Le contexte est en effet brûlant : composée vers 1100, la chanson de Roland est strictement contemporaine de la première croisade dont l’appel a été lancé en 1095 par le pape Urbain II.
C’est que, depuis l’an 638, les musulmans occupent la ville sainte de Jérusalem. Si, pendant quatre siècles, les chrétiens, les musulmans et les juifs cohabitent à peu près harmonieusement, si les pèlerinages chrétiens sont encore possibles, l’arrivée des turcs en 1076 change la donne. Les dommages qu’ils causent dans la ville poussent ainsi le pape Urbain II à réagir. Il ne s’agit pas pour nous ici d’aborder le thème spécifique des croisades. Il est seulement important de remarquer que la chanson de Roland, dont l’histoire se passe au VIIIème siècle est intimement liée à ce contexte de guerre sainte et de lutte – sanglante et brutale – contre l’ennemi musulman.
Ainsi ne s’agit-il pas ici, comme dans d’autres œuvres, antérieures – La Lettre d’Alexandre, par exemple – ou postérieures – la lettre du prêtre Jean, ou Le Devisement du monde, de Marco Polo - d’inviter au voyage, de faire rêver, d’émerveiller le lecteur, mais bien d’opposer deux mondes que l’on va prendre soin d’opposer complètement. Il s’agit bien, en l’occurrence, de discréditer les sarrasins.
Mais, avant toute chose, un résumé de l’histoire s’impose.
Si nous avons choisi cette phrase pour ouvrir notre propos, c’est qu’elle nous semble résumer à elle seule la volonté du, ou des auteurs de l’œuvre : à savoir, constituer une entreprise de propagande visant à justifier la croisade, et, peut-être, susciter des vocations. Le contexte est en effet brûlant : composée vers 1100, la chanson de Roland est strictement contemporaine de la première croisade dont l’appel a été lancé en 1095 par le pape Urbain II.
C’est que, depuis l’an 638, les musulmans occupent la ville sainte de Jérusalem. Si, pendant quatre siècles, les chrétiens, les musulmans et les juifs cohabitent à peu près harmonieusement, si les pèlerinages chrétiens sont encore possibles, l’arrivée des turcs en 1076 change la donne. Les dommages qu’ils causent dans la ville poussent ainsi le pape Urbain II à réagir. Il ne s’agit pas pour nous ici d’aborder le thème spécifique des croisades. Il est seulement important de remarquer que la chanson de Roland, dont l’histoire se passe au VIIIème siècle est intimement liée à ce contexte de guerre sainte et de lutte – sanglante et brutale – contre l’ennemi musulman.
Ainsi ne s’agit-il pas ici, comme dans d’autres œuvres, antérieures – La Lettre d’Alexandre, par exemple – ou postérieures – la lettre du prêtre Jean, ou Le Devisement du monde, de Marco Polo - d’inviter au voyage, de faire rêver, d’émerveiller le lecteur, mais bien d’opposer deux mondes que l’on va prendre soin d’opposer complètement. Il s’agit bien, en l’occurrence, de discréditer les sarrasins.
Mais, avant toute chose, un résumé de l’histoire s’impose.
1ère page du manuscrit de la Chanson de Roland (manuscrit d'Oxford) |
Ganelon rapporte les fausses promesses des Arabes, et Charlemagne lève le camp.
Roland, qui reste donc en arrière avec son compagnon d’armes, Olivier, subit l’assaut des arabes ; il refuse de sonner le cor pour appeler Charlemagne ; au second assaut, à bout de forces, il se résout à appeler Charlemagne. Il souffle tellement fort dans son cor qu’il en meurt.
Charlemagne retourne en arrière, poursuit les sarrasins – aidé par Dieu qui stoppe la course du soleil - qui sont avalés par l’Ebre. Marsile appelle Galigant, l’émir de Babylone, roi suprême des païens, qui accourt. Il est tué par Charlemagne, et ses armées sont défaites. Marsile meurt à Saragosse, et Charlemagne s’empare de la ville.
Quant à Ganelon, il sera jugé et écartelé au retour de Charlemagne en France.
Ce qui frappe souvent dans les œuvres orientalistes, c’est l’accent mis sur l’aspect merveilleux, fantastique, incroyable, des contrées orientales ; peuplées le plus souvent de créatures irréalistes, qui se meuvent dans un décor luxuriant, dans lequel on trouve le plus souvent des villes merveilleuses, des palais florissants, emplis de pierres précieuses, de soieries, de richesses incalculables.
Ce n’est pas le cas dans la chanson de Roland ; les sarrasins sont certes riches, et comblent Ganelon, le traître, de cadeaux, mais dans des proportions assez raisonnables – en tout cas, pas extravagantes.
Il est fait état de félins, de chameaux, (124), d’or, d’améthyste (638), mais véritablement l’accent n’est pas mis sur cet aspect là de l’orient.
Ce sont plutôt les peuplades qui composent l’armée hétéroclite des sarrasins qui relèvent de l’exotique. Sont donc évoqués :
- Un roi de Barbarie, un
pays lointain (1236)
- Torleu, le roi persan
(3204)
- [Les sarrasins établissent les corps d'armée, dont les dix premiers sont décrits ainsi] :
dans le premier sont les hideux Chananéens
de Val-Fuït ils sont venus par le travers
le second est de Turcs, le troisième de Persans
et le quatrième de cruels Pincenois,
et le cinquième de Soltras et d’Avers,
et le sixième d’Ormaleus et d’Euglets,
et le septième du peuple de Samuel,
le huitième est de Bruise, le neuvième de Slaves,
et le dixième d’Occïant le Désert :
c’est là un peuple qui ne sert pas notre seigneur,
de plus félons vous n’entendrez pas parler
[…]
à la bataille ils sont déloyaux et cruels.
Dix autres corps l’émir réunit :
les géants de Malprose
[…] (3260)
dans le premier sont les hideux Chananéens
de Val-Fuït ils sont venus par le travers
le second est de Turcs, le troisième de Persans
et le quatrième de cruels Pincenois,
et le cinquième de Soltras et d’Avers,
et le sixième d’Ormaleus et d’Euglets,
et le septième du peuple de Samuel,
le huitième est de Bruise, le neuvième de Slaves,
et le dixième d’Occïant le Désert :
c’est là un peuple qui ne sert pas notre seigneur,
de plus félons vous n’entendrez pas parler
[…]
à la bataille ils sont déloyaux et cruels.
Dix autres corps l’émir réunit :
les géants de Malprose
[…] (3260)
La liste n'est pas exhaustive, mais elle suffit à donner un aperçu de l'hétérogénéité des forces en présence - nous y reviendrons plus tard.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le portrait des sarrasins qui est brossé dans cette œuvre n'a absolument rien à voir avec la réalité ; d'autres œuvres, si elles font montre d'exagération, d'emphase, si elles mêlent fiction et réalité sans qu'il soit toujours possible de distinguer l'une de l'autre, sont, au moins, basées sur l'expérience d'hommes qui se sont rendus dans les contrées qu'ils ont visitées ; cela est valable pour La Lettre d'Alexandre, ou pour les voyages de Marco Polo. Point de cela ici ; l'auteur, ou les auteurs, n'ont absolument aucune idée de ce qu'est un sarrasin ; ils savent d'autant moins quelle était la situation il y a quatre siècles, bien évidemment ; cela importe peu, puisqu'il s'agit de réaliser un portrait à charge.
Bravo à Bérenger pour avoir signé le 50ème article de ce blog !
RépondreSupprimerIl y a aussi le mythe de la prise de Paris qui a un certain interet dans la constitution de l'idee du danger que representent les Sarrasins (musulmans en plus ! comme quoi, on est toujours dans le meme paradigme...)
RépondreSupprimer"les dommages qu'ils causent dans la ville", au début de texte : s'agit-il de Jérusalem ?
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