Article précédent : Gursky
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Thomas Struth |
Rendons hommage dans cette quatrième partie à des artistes
peut-être moins connus – ou moins cotés, si toutefois il y a une différence –
que les précédents, mais vers lesquels nous pousse notre goût personnel,
visuel autant qu’intellectuel. Ces autres photographes ne sont pourtant pas des
inconnus, le plus connu dont nous n’avons pas encore parlé étant Thomas Struth –
qui est par ailleurs internationalement connu. Thomas Struth pour, en premier
lieu, ses photographies de ville à l’intérieur desquelles, si elles s’inscrivent
dans un objectif revendiqué un peu décevant – celui d’illustrer l’ambiance d’une
ville -, on peut remarquer le traitement des passants qui a évolué au cours de
son œuvre. En effet, ses photographies, au départ tout à fait vides de présence
humaine, « renvoyant au fait que l’inconscient, en tant que structure
interne de l’être humain, est envisagé comme
espace public intériorisé. »
,
se sont peu à peu remplies, atteignant l’idéal du paysage wallien déjà décrit à
propos de Gursky : l’individu décrit comme agent social et non plus comme
figure reconnaissable.
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Thomas Struth |
Mais le travail qu’il a certainement le plus abouti reste le travail autour du
concept de musée et des comportements des spectateurs,
Museum Photographs,
constitué de trois séries distinctes : la première représente des « photographies
traditionnelles »
de tableaux devant lesquels se tiennent des spectateurs qui n’ont pas
conscience d’être photographiés, tant ils sont absorbés dans leur contemplation
; ce qui est ici intéressant est la juxtaposition de deux espaces qui
apparaissent comme ontologiquement distincts : le monde des œuvres d’art
et le monde des spectateurs. La deuxième série de photographie ne contient
aucun tableau et prend un tour plus architectural ; le photographe a fait
poser des acteurs comme des spectateurs en train de contempler une œuvre.
Enfin, la dernière série,
Audience,
reproduit de véritables spectateurs absorbés devant le
David de Michel-Ange, l’appareil étant situé entre ces spectateurs
et l’œuvre elle-même. La force de cette série est sa spontanéité autant que sa
performance visuelle : les spectateurs semblent complètement oublier qu’ils
sont en train de se faire photographier, le processus ne leur étant par
ailleurs aucunement dissimulé ; il décrit bien le phénomène diderotien d’absorbement
et interroge avec force le rapport que nous entretenons avec l’art et la
culture et que la photographie entretien avec ces institutions, problématisant
la question de la clôture (la présence du David étant implicite et nécessaire à
la série) pour explorer les limites de l’autonomie esthétique de la
photographie.
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Thomas Struth |
Saluons enfin rapidement sa photographie de Notre-Dame de Paris, à mi-chemin
entre ses photographies de ville et de musées, rompant avec un symbole du
tourisme planétaire dont on se demande, ainsi aplati par la frontalité, d’où
vient sa beauté si ce n’est dans la délicate palette chromatique du
photographe. Plus importantes encore peuvent être ses portraits de famille
habités par une étrange intimité et qui rappellent les œuvres de Patrick
Faigenbaum.
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Axel Hütte |
Si la pratique du portrait, qu’il a pourtant inaugurée au
sein de l’école de Düsseldorf, n’a jamais rencontré le succès, favorisant
injustement les photographies très similaires de Thomas Ruff, Axel Hütte a
pourtant toujours soutenu une activité photographique conceptuelle questionnant
avant tout le thème du regard. Cela est particulièrement sensible dans ses
photographies de paysage, dans lesquelles Axel Hütte reprend les codes de la « veduta »
pour les déjouer, non sans mélancolie toutefois ; les images décrivent des
paysages mutilés par l’homme mais tout de même consommables sur le plan
esthétique, des paysages dans lesquels l’élément architectural vient apporter
une dimension géométrique intéressante mais aussi la trace de l’homme abîmant
toute la pureté romantique de la scène ; enfin, des espaces vierges, mais
qu’on peut imaginer comme en sursis, d’une pureté provisoire.
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Axel Hütte |
A l’inverse de ses professeurs, il n’hésite pas à convoquer dans ses
photographies brumes et nuages qui rappellent dans ces paysages les éléments
romantiques mais qui servent ici, dans un double langage, à mettre en échec le
regard du spectateur, errant sur ces grands formats d’un plan à un autre. Cette
mise en échec trouve son aboutissement dans la série de nuit, où les tirages
sont inondés de nuit, et où l’œil est sommé de chercher du sens, de trouver du
sens, et en définitive d’en créer pour meubler les interstices laissés par le
photographe. Le spectateur prend ainsi conscience de son propre regard et de sa
volonté de voir, de son rôle de créateur d’image. Cette expérience est assez
discrète toutefois, et fait suffisamment référence aux concepts d’œuvre d’art,
pour échapper au piège de la théâtralité, du maniérisme aussi bien que de l’excès
de conceptualité.
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Laurez Berges |
Prenons le temps enfin pour des photographes dont l’œuvre est
moins imposante mais dont certaines images ont une très grande force malgré
tout : Laurenz Berges et ses photographies expérimentant résolument la
fragmentation et le silence, le vide et le dégoût d’une vie dont on en vient à
se demander si elle était vraiment mieux « avant ».
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Jörge Sasse |
Jörg Sasse,
aussi, et ses réflexions passionnantes sur l’absolu hétérogénéité de la
photographie et du réel, questionnant ainsi le passage de trois dimensions en
une, notamment par sa belle photographie 6544
représentant un train à grande vitesse dont on dirait que le toit est tout
plat, comme une aquarelle dont les couleurs rappellent la composition. Les
incertitudes quant à la provenance de l’ombre, sa courbe excessive et sa
disparition en dessous du train entraînent définitivement et sans appel l’échec
de l’identification de l’image au réel et imposent un regard contemplateur. Enfin,
la fidélité incroyable à l’œuvre des Becher d’une Petra Wunderlich qui
interroge la frontalité, le devant et le derrière – toujours caché, toujours
inaccessible.
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Petra Wunderlich |
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