Pourquoi faut-il aller voir Histoire de Judas ? Parce qu'il y a du sublime dans cette histoire - ou plutôt : que cette histoire est le sublime, son incarnation même.
Entendons-nous bien : l'épopée biblique est propice au sublime - c'est peut-être son essence. Mais ne confondons pas, de grâce, sublime et grandiloquent ; il s'agit ici d'un sublime intime, apaisé, qui peut surgir d'un rire, ou du chuintement de la roche sous les pas d'un homme.
Il s'agit ici d'un cinéma à l'os, sans gras, débarrassé de toutes les scories grandiloquentes qui encombrent trop souvent le cinéma, et les épopées bibliques en particulier, bouffies et boursouflées (Les dix commandements de Cecil B. De Mille, La passion du Christ de Mel Gibson, etc.)
Il n'est question ici au contraire que de simplicité ; peu de personnages, peu de figurants ; Jérusalem est un village. Si ce film est intimiste, c'est qu'il n'est pas braillard ; et, finalement, de cette retenue naît un beauté presque mystique - jamais illuminée. Jésus Christ n'est pas un fou prêcheur possédé ; les juifs ne sont pas des imbéciles réactionnaires braillards contempteurs de Messie ; les romains ne sont pas des occupants assoiffés de sang.
Le réalisateur rejette le symbolique, la vision mythique ; aussi la Cène n'est-elle qu'un repas - rien d'autre - ; quant à la séquence de la femme adultère, elle est magnifique de simplicité - de détachement.
Le film tient plus de la chronique que de l'hagiographie, plus du récit intime que du peplum bruyant auquel on réduit trop souvent l'épopée biblique ; et si Judas n'est pas ici un traître, le film n'est pas un règlement de compte, n'a pas d'aspect polémique ; reste la beauté - l'investigation d'un espace sensible, ce à quoi devrait se résumer le cinéma.
Aussi l'Histoire de Judas n'est-elle pas l'histoire de l'incarnation divine dans l'Homme, mais de l'incarnation du sublime par et dans le cinématographe, dont toute la beauté est résumée par cette oeuvre, qui le transfigure et l'élève jusqu'au point de limpidité ultime.
Il ne devrait y avoir d'art que côtoyant le sublime et tentant de l'effleurer le plus possible ; il ne peut y avoir d'oeuvre qui ne palpiterait de la grâce sensuelle de la matérialité de l'espace sensible, qui ne vibrerait de toutes ses forces de chaque élément du monde et ne se donnerait pour but d'instruire le procès du trivial, qui ne proclamerait à chaque instant la nécessité de l'exaltation du sublime qui est partout, exaltation prenant la forme de l'apparente simplicité.
Le reste n'a aucune espèce d'importance.
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