Paris Photo est une foire annuelle de photographies qui a
lieu, comme son nom l’indique, à Paris ; elle est, selon le site internet dédié[1],
la première foire au monde au moment de sa création à être consacrée à la
photographie historique et contemporaine. De nombreuses galeries de tous les
pays viennent rencontrer les acheteurs pendant quelques jours en novembre,
c’est pourquoi il nous a paru opportun d’étudier cet événement – dont
l’importance nationale et internationale n’est plus à démontrer – dans le cadre
de notre mémoire de Master[2],
événement qui prenait place de façon idéale pour nous, à la fois dans le temps
et dans l’espace. La multitude des propositions ainsi que leur concentration et
leur variété nous intéressaient puisqu’elles semblaient exemplifier les choix
des artistes et des galeries photographiques contemporains.
Après l’article de Claire Guillot dans Le
Monde[3]
traitant du même sujet, et après avoir
relevé presque tous les cartels disponibles à Paris Photo et, lorsque cela
était possible, les listes de prix (97 galeries sur environ 120 présentes à
Paris Photo 2012), nous pourrons en tirer de nombreuses analyses. Mais, avant
toute chose, présentons l’ensemble de nos données. Nous avons relevé dans ces
97 galeries 2 557 œuvres en vente avec des informations contrastées : si 8
galeries n’apportent aucune précision sur l’édition de leurs tirages et si une
très grande majorité des galeries de Paris Photo ne précisent jamais si le
tirage porte ou non la signature du photographe (seuls 515 tirages seraient
signés si l’on suit nos informations brutes), il nous a été extrêmement
difficile d’obtenir les prix de vente des tirages – ce qui peut sembler assez
paradoxal pour une foire d’art contemporain.
Pour autant, ces manques et ces absences bien calculés par les galeries ne doivent pas apparaître comme des lacunes, mais bien comme des choix qu’il nous faudra analyser[4]. Précisons aussi que, notre étude portant en majorité sur l’édition des photographies, nous avons malgré tout une matière très riche à travailler ; enfin, avec plus de 1 200 prix, il nous sera tout de même possible de mettre en lien l’édition et le prix.
Pour autant, ces manques et ces absences bien calculés par les galeries ne doivent pas apparaître comme des lacunes, mais bien comme des choix qu’il nous faudra analyser[4]. Précisons aussi que, notre étude portant en majorité sur l’édition des photographies, nous avons malgré tout une matière très riche à travailler ; enfin, avec plus de 1 200 prix, il nous sera tout de même possible de mettre en lien l’édition et le prix.
Cependant, comme nous le disions plus haut, il faudra prendre ces informations
avec précaution : notre panel d’observation est trop restreint – et ira en
se restreignant quand nous observerons des points particuliers – et trop
hétéroclite pour pouvoir en faire l’archétype de toute la photographie
contemporaine. Comme nous l’avons dit précédemment, nos données ne représentent
que 80% des photographies présentes à Paris Photo, par manque de temps[5]
ou bien parce que certains espaces ne possédaient pas de cartels ou encore
parce que certains galeristes ont tout simplement refusé de nous communiquer
leurs informations ; de même, il est possible que certaines erreurs ou
certains oublis se soient glissés – malgré toutes nos précautions et
vérifications – dans nos relevés, que nous avons faits de manière tout à fait
artisanale et – quoique méthodique – épuisante. En outre, les méthodes que nous
utilisons, faute d’avoir eu le temps de nous entretenir calmement avec aucun
galeriste[6],
sont largement déductives et de ce fait potentiellement déformantes par rapport
à la réalité. C’est pourquoi la présente recherche n’est en aucun cas
exhaustive. Elle n’est que l’instantané pris d’une foire photographique,
reflétant le plus fidèlement possible les choix des artistes, mais aussi des
galeristes[7].
Stéphane Couturier - Alstom-Cibachrome #2 |
Quelques tirages, dispersés dans différentes galeries ont attiré notre attention et nous ont surpris : ainsi à la Galerie Polaris le tirage de Stéphane Couturier Alstom-Cibachrome #2 que vous pouviez acheter à 18 000€ ou à 5 500€, selon que vous choisissiez un 125x155cm édité à trois exemplaires ou un 60x70cm édité à cinq exemplaires ; de même à la Galerie Camera Work, les célèbres photographies de Martin Schoeller (celle de Willem Dafoe, par exemple), étaient disponibles à 6 600€ (108x88cm, éditée à 7 exemplaires), à 3 500€ (60x50cm éditée à 10 exemplaires) ou bien à 10 900€ (155x127cm, éditée à 3 exemplaires). Cette pratique reprend la pratique qui consiste à diffuser une même photographie sous plusieurs tailles (pratique courante, en témoignent tous les « unique in this size » ou même « dimensions variables »…), mais va au-delà, limitant différemment les tirages et les vendant à des prix totalement différents. Cette pratique semble déposséder radicalement, mais dans un contexte ambigu, le tirage photographique de son originalité et de son authenticité, de sa valeur d’œuvre. Cette pratique surprenante – quoique non inédite – illustre bien l’idée que si l’édition des tirages n’est pas une donnée fondamentale pour l’esthétique photographique, elle nous donne toutefois une idée précise de la façon dont l’artiste considère sa pratique, dans quelles conventions[8] il se positionne. Que la rareté ou l’absence de rareté des tirages photographiques est à étudier.
Martin Schoeller - Willem Dafoe |
[1] Cf. http://www.parisphoto.com/
[2]
Mémoire de fin d’études à l’École Nationale Supérieure Louis-Lumière intitulé
« Le concept de rareté en photographie » et dirigé par Christian
Caujolle, que je tiens à remercier ici ainsi que l’équipe de Paris Photo qui
m’ont permis d’avoir accès à toutes ces informations.
[3]
Guillot, Claire, « Numéros gagnants », Le Monde, 15 novembre 2012, http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/11/15/numeros-gagnants_1791426_3246.html.
[4]
Il nous a été cependant impossible de véritablement comprendre pourquoi
certaines galeries refusaient de nous communiquer les prix des
photographies : peur d’une mauvaise publicité ? peur de la
concurrence ? désintérêt pour ceux qui ne sont pas des acheteurs ?
[5]
Qu’il me soit ici permis de remercier Bérenger, Ninon et Sylvain, qui m’ont
prêté main forte le dernier jour de Paris Photo ; sans eux, je n’aurais
pas eu la moitié des informations que nous avons collectées tous ensemble.
[6] Nous
avons contacté la plupart des galeristes après la foire, et nous attendons
encore bon nombre de réponses.
[7]
En effet, si les artistes sont au principe de la production et produisent ce
qu’ils veulent produire, les galeristes en sont un intermédiaire majeur et
peuvent influencer les artistes, mais surtout trier et choisir ce qu’ils
montrent, choix dont nous sommes tributaire ici.
[8]
Sur les conventions artistiques voir entre autres Heinich, Nathalie, Pour en finir avec la querelle de l’art
contemporain, divers travaux de M. Sagot-Duvauroux ainsi que des
philosophes de l’esthétique analytique autour du concept de « Monde de
l’art ».
Promis je mettrai un graphique la prochaine fois (sur demande de Ninon).
RépondreSupprimerN'as tu pas eu l'impression que c’était surtout les galeries étrangères (à tendance même américaines/anglaises quoiqu'il y a une allemande qui a refusé que l'on aille jeter un oeil sur son catalogue) qui ne voulaient pas nous laisser accéder à leur catalogue ?)
RépondreSupprimerHonnêtement je ne crois pas, de toute façon vu qu'il manque la moitié des prix, sur le coup on aurait dit que personne voulait nous donner les prix.
RépondreSupprimerMais j'ai peut-être moins observé que toi ; et puis je suis contre les statistiques ethniques.