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Roger Ballen - Death bed |
Une certaine forme de désespoir est sensible partout dans les photographies de Roger Ballen, photographies que l'on découvre notamment à l'occasion du Photo Poche qui lui est dédié. La description sans fard d'une société sud-africaine usée, fatiguée, la description sobre de personnages miséreux et fragiles nous donnent dès le premier regard la dimension critique du travail de Roger Ballen. Cette critique ne se fait cependant pas au prix de choix politiques ou propagandistes trop sensibles qui gêneraient l'expression plastique.
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Roger Ballen - Portrait of sleeping girl |
A vrai dire, cette description critique de la société sud-africaine ne se fait pas sur le mode politique, même si l'on peut bien sûr l'interpréter comme telle par la suite. Elle donne l'impression d'être un constat presque objectif, médical, sociologique. Ainsi, l'atmosphère étouffante de cette société est rendue par différentes figures qui se mêlent et se répondent. La misère économique évoquée plus haut est complétée par une certaine misère humaine : la bêtise (dont l’œuvre de Ballen met justement en relief l'origine étymologique : être bête et être une bête), la cruauté sont des caractéristiques qui viennent appuyer la détresse de cette société dont on a l'impression - juste, au demeurant - qu'elle est un immense et tragique huis clos.
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Roger Ballen - Dresie and Casie, twins |
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Roger Ballen - Cat catcher |
Il ne faudrait pas, pourtant, laisser croire que les photographies de Ballen possèdent toutes une charge aussi évidente de violence. Ce qui caractérise aussi les personnages du photographe dans la plupart de ses images, c'est l'ennui profond, le vide, l'absence d'émotion ou d'espoir. Ce qui se lit sur les visages est aussi parfaitement clair dans l'image même : la plupart des photographies sont extrêmement épurées, les sujets sont perdus au milieu d'un fond uniforme et vide ou d'un mobilier misérable.
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Roger Ballen - Sergeant F. de Bruin, Department of Prisons employee |
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Roger Ballen - Oupa posing |
En anthropologue minutieux et en excellent portraitiste, Roger Ballen va lier étroitement ces figures de l'ennui ou de la violence avec le thème de la folie, folie soulignée par les compositions extrêmement pertinentes : la présence récurrente d'animaux, comme dans notre première image, vient ajouter des éléments inattendus et surprenants, l'absurdité des décors et notamment des fils électriques viennent mettre en relief l'harmonie délirante des êtres et des lieux.
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Roger Ballen -Head below wires |
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Roger Ballen - Brian with pet pig |
Il apparait avec ces images que nous sommes en fait loin d'être en présence d'un photographe simplement documentariste. Même s'il demeure suffisamment loin des excès de style d'un Crewdson ou d'un Sluban, il mêle par des touches subtiles, l'art de documenter avec l'art d'exprimer. Ainsi, le recours presque systématique au flash nous place dans un univers particulier, où les visages sont très éclairés, quasiment écrasés par la lumière, où les contrastes sont très fort, où les expressions sont figées. De même, les cadrages concourent souvent à créer puissamment du sens et de la poésie.
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Roger Ballen - Children from countryside in city home |
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Roger Ballen - Squawk |
Par ce que nous devons bien appeler son style, Roger Ballen transcende la critique politique dont nous faisions état plus haut pour atteindre la force d'une réflexion presque existentielle, en tout cas un imaginaire poursuivi par la mort, jusque dans les plus tendres images de ce grand album de famille, jusque dans les images d'amour. Les compositions très rigoureuses concourent à rendre chaque photographie indépendante, autonome et ferme ainsi son cadre comme les murs d'un théâtre ; les scènes n'étant la plupart du temps peuplées que d'un seul acteur, l'atmosphère générale est paradoxalement celle d'un huis clos gigantesque, comme si chaque personnage côtoyait les autres mais sans jamais les voir, sans jamais interagir avec eux.
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Roger Ballen - Culmination |
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Roger Ballen - Stefanus |
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